dimanche 9 octobre 2022

La parlerie.

 

"L’humour était un des talents travaillés entre les murs de la Maison sur la Pente, mais le principal enseignement consistait à faire maîtriser par les nouveaux adeptes les mille et une façons de tuer son semblable et toutes les techniques et savoir-faire qui étaient utiles pour y parvenir, dont l’anatomie et la médecine, la maîtrise des fleuves qui irriguaient les organes, la conception des poisons et l’art d’apprêter les mets, le lancement des aiguilles de fer, le maniement du sabre… et les divers moyens pour disparaître après l’acte. Les résidents de ce monastère étaient connus sous le nom de Guerriers-Nuages. On les appelait aussi les Tueurs Rouges. Les paysans de la montagne préféraient les nommer les Danseurs des Brumes ou Ceux de la Maison." Danser dans le brouillard. Gorve. Livre 1

D'où viennent les histoires ?

Le  conteur peut toujours se vanter, dire qu'il a mâchouillé son porte-plume pour en extraire le suc, caressé sa muse dans le sens des plumes, collecté au fond des forêts des vieilles histoires de sorcières, jeté des pièces dans tous les troncs et pour tous les dieux surtout celui de la page blanche.

C'est vrai.

Ou,

il suffit d'écouter le bavardage du monde. Les personnages sont debout dans la ville, ils sortiront de ces corps et entreront dans le livre. 

La parlerie niche dans tous les coins, dans les plus communs des communs, dans les commodités.


  Deux gars sous la lune. (inédit)

— C’est le troisième Al !

— Et pas encore de grosse commission !

Les deux hommes se tassaient dans le petit édicule fixé sur la façade du château de Bourl le gras. Pour ainsi dire entre lune et Gorve, puisque le fossé se trouvait six stances en dessous et qu’au-dessus à un bras et demi, il y avait le couvercle en bois qui fermait les latrines.

Ce qu’ils faisaient là avait à voir avec une histoire d’amour, mais de loin. Pour résumer, parce que nous sommes pressés, nous dirons qu’un des deux larrons, Matt le plus petit, celui avec la moustache fine et le bouc encore plus fin, s’était amouraché d’une fille de la noblesse délatine qu’il avait entraperçue se brossant les cheveux à contre-jour au crépuscule. Son camarade Alyser, lui avait dit ce soir-là : «  Tu la vois à contre-jour, tu ne peux pas tomber amoureux ! », le plus petit des deux voleurs avait alors répondu «  Je ne suis pas certain de son minois par contre, un éclat comme celui-ci, ce ne peut être qu’une Pierre du Solstice ».

Cette fois-ci c’était une grosse commission.

Le grand voleur se tassa encore plus sous le bras du plus petit. L’étron tomba d’abord puis un copieux jet d’urine. La lumière du jour se fit un instant puis de nouveau l’ombre nauséabonde. Dans le peu de lueur qui parvenait jusqu’à leur réduit, Alyser ne put manquer toutefois de voir la trace brunâtre qui marquait le front de son collègue, il fit la grimace.

— Je sais ! dit Matt, par contre toi tu ne l’as pas vue ! Magnifique !

— Quatre ! Il serait souhaitable que Graine de Sorge ne tarde plus. Sinon !

Ils restèrent un temps silencieux puis Alyser le grand type sans trace brunâtre sur le front dit :

— Une Pierre du Solstice ?

— Ouais !

Matt poussa doucement le couvercle de bois et entra dans les latrines, son camarade se glissa à ses côtés peu après.

— Tu sens vraiment la pisse, Al !

— Ils sentent la même chose, la sueur, l’urine et le mauvais vin. On passera inaperçu !

C’est alors que la porte s’ouvrit et ce n’était pas Graine de Sorge.

La demoiselle hurla en voyant les deux hommes puis Matt la tira à l’intérieur. Il y eut une sorte de scène burlesque lorsque le voleur tenta de la bâillonner la jeune fille qui essayait de fuir alors qu’Alyser exécutait une série de petites frappes sur les points des fleuves amenant à l’inconscience, c’est à dire de nombreux endroits parfaitement inconvenants. Il y eut aussi un remue-ménage de mouvements de l’autre côté de la porte. La garde alertée par le cri, lançait son protocole : apostrophe virile, bruit d’armes, rodomontade, piétinement...

— Ça sent mauvais Matt !

L’autre grimaça. Alyser avait réussi à endormir la belle. Le petit voleur ouvrit l’abattant.

— Elle pourra au moins couvrir nos arrières.

— Si encore on peut les atteindre !

Matt hocha la tête d’agacement :

— Arrête avec tous tes jeux de mots merdiques !

Peu après une chiabrena longue et fine dégringolait des remparts jusqu’au fossé. Les deux voleurs se laissèrent glisser jusqu’au sol souillé, rappelèrent prestement leur câble puis ils se mirent à courir comme si...


https://www.babelio.com/livres/Marc-Danser-dans-le-brouillard/1457107


 

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